Les diplômés des filières "littéraires" de l’université en mal de débouchés trouvent une alternative dans les entreprises, qui leur ouvrent timidement leurs portes par des opérations de recrutement, comme l’opération Phénix qui s’est tenue jeudi à la Sorbonne.
Ce programme, lancé il y a un peu plus d’un an par sept grandes entreprises et cinq universités d’Ile-de-France, a permis en un an le recrutement de 35 diplômés Bac+5 de filière artistique ou de sciences humaines à des postes de cadres.
"Avec le départ à la retraite de la génération du baby boom, à moyen terme il nous faut trouver de nouvelles sources de recrutement", explique Serge Villeplet, vice-président du cabinet d’audit et conseil PriceWaterhouseCoopers.
"Il y a une méconnaissance entre université et entreprise. C’est une exception française. Dans les pays anglo-saxons, l’université est une filière de recrutement classique", souligne-t-il.
Dans son entreprise, 60% des jeunes recrutés français sont issus de grandes écoles, 20% d’écoles d’ingénieurs et 20% de filières universitaires spécialisées (gestion, informatique...). Les profils généralistes sont "très rares".
Les littéraires se font souvent doubler au poteau par les candidats qui sortent de la bonne école, alors qu’en Angleterre, les entreprises recrutent près de la moitié de leurs effectifs dans les universités.
Les étudiants ont longtemps été victimes de la réputation de leur formation, jugée peu adaptée à la réalité du monde du travail, qui limitait leurs perspectives professionnelles à l’enseignement, la recherche ou la fonction publique, dont les effectifs tendent à se réduire.
Dans le cadre de la charte Phénix, les entreprises (Axa, Coca-Cola Entreprise, Renault, Siemens, HSBC, la Société Générale, rejoints par Thales, Randstand et L’Oréal) recrutent puis forment pendant trois mois des étudiants à leurs futurs postes.
Après avoir passé son master 2 de philosophie sur l’ontologie poétique chez Fernando Pessoa sans "vision claire" de l’avenir, Macarena Olazabal, 26 ans, a décroché un poste dans une filiale de l’assureur Axa, où elle s’occupe d’assurances sur les grands risques à échelle internationale.
"Le côté technique du travail, il s’apprend", assure la jeune Espagnole.
"Les universitaires sont des gens ouverts, moins formatés, avec des questionnements différents, complémentaires des profils +classiques+", reconnaît Hélène Tavier, responsable du recrutement cadres chez Renault.
"Ils sont motivés et ils l’ont prouvé dans leurs études. Les écoles, c’est une sorte de sprint, alors qu’un master à l’université c’est plus de l’endurance", ajoute-t-elle, soulignant les qualités d’autonomie, de curiosité et d’analyse des étudiants.
"Pour mes mémoires de master, j’ai dû emmagasiner beaucoup d’informations, les synthétiser, les retranscrire. C’est aussi ce que je fais ici : récupérer les informations puis rédiger un document clair et compréhensible", explique Julie Carpentrat, diplômée en histoire de l’art de 25 ans qui coordonne aujourd’hui des projets informatiques à la Société Générale.
"Certains départements de l’entreprise étaient réticents parce qu’ils pensaient que les étudiants ne seraient pas opérationnels. L’expérience montre que ce n’est pas le cas", souligne-t-on chez Renault.
Entreprises et associations étudiantes, désireuses de valoriser leurs formations, visent à généraliser ce type de recrutement, dans les entreprises de plus petites tailles notamment, "d’ici trois ou quatre ans".